« Eat, pray, love » d’Elizabeth Gilbert

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« L’addiction est la marque de fabrique de toute histoire sentimentale fondée sur un amour obsessionnel. Tout commence quand l’objet de votre adoration vous fait don d’une dose enivrante et hallucinogène de quelque chose que vous n’aviez même pas osé admettre désirer . Très vite, on commence à vouloir toujours plus de cette attention soutenue, avec une voracité monomaniaque de junkie. Et quand on nous refuse la drogue, on tombe aussitôt malade, on cède à la folie, on se sent diminué. Pour ne rien dire du ressentiment qu’on nourrit à l’égard du dealer qui a encouragé cette additction en premier lieu et qui se refuse désormais à vous approvisionner en bonne came – alors que vous savez qu’il la garde planquée quelque part nom d’un chien, parce que autrefois, il vous la donnait gratuitement. L’étape suivante vous trouve amaigrie, grelottante, pelotonnée dans un coin, riche d’une seule certitude: vous seriez capable de vendre votre âme ou de voler vos voisins, juste pour goûter à cette chose ne serait-ce qu’une seule fois de plus. Pendant ce temps vous n’inspirez plus qu’une répulsion à l’objet de votre adoration. Il vous regarde telle une parfaite inconnue, quelqu’un qu’il ne connaîtrait ni d’Ève ni d’Adam, et plus du tout comme la personne qu’il a autrefois passionnément aimée. L’ironie, c’est que vous ne pouvez pas vraiment l’en blâmer. Je vous dire, regardez-vous: vous êtes une loque pathétique, méconnaissable même à vos propres yeux.
Donc voilà. Votre amour obsessionnel a atteint sa destination finale – la dévaluation totale et impitoyable de soi. »

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« La résistance dont fait preuve le mausolée d’Auguste – le fait que sa structure, en dépit d’une carrière à ce point erratique, se soit toujours ajustée à la brutalité particulière de chaque époque – me rassure infiniment. A mes yeux, le mausolée est comme une personne qui a mené une existence singulièrement démente – quelqu’un qui, par exemple, aurait débuté dans la vie comme femme au foyer, puis, inopinément devenue veuve, se serait mise à la danse des éventails pour gagner de l’argent et serait retrouvée, par un curieux détour, première femme dentiste de l’espace avant de tenter une percée en politique -, et tout ça en se débrouillant pour qu’aucun de ces bouleversements n’entame l’intégrité de sa personne.
En contemplant le mausolée d’Auguste, je me dis que ma vie n’a peut-être pas été si chaotique, après tout. C’est plutôt ce monde qui l’est, qui nous inflige à tous et à toutes des changements que personne n’aurait pu prévoir. Le mausolée d’Auguste me prévient que je ne dois m’attacher à aucune idée obsolète quant à qui je suis, ce que je représente, à qui j’appartiens, ou ce à quoi j’ai pu un jour être destinée. Qu’hier j’ai été un monument à la gloire de quelqu’un, c’est tout à fait possible – mais qui dit que demain je ne serai pas un entrepôt de feux d’artifice ? Même dans la Ville éternelle, nous enseigne le silencieux mausolée, chacun doit toujours être prêt à affronter des vagues de transformations houleuses et sans fin. »

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« Quand je demande à mon esprit de se tenir tranquille, c’est étonnant de voir avec quelle rapidité il va 1) sombrer dans l’ennui, 2) céder à la colère, 3) à la dépression, 4) à l’anxiété ou 5) à tout ce qui précède.
Comme la plupart des humanoïdes, je souffre de posséder ce que les bouddhistes appellent «l’esprit du singe » – des pensées qui se balancent d’une branche à l’autre, et ne s’interrompent que pour se gratter, cracher et éructer. Entre le passé lointain et le futur inconnaissable, mon esprit se balance allègrement à travers le temps, effleure des dizaines d’idée à la minute, sans harnais ni discipline. Cela n’est pas, en soi, un problème ; le problème réside dans la pièce jointe émotionnelle qui accompagne l’acte de penser. Des pensées heureuses me rendent heureuse, mais l’oscillation suivante gâche aussitôt cette belle humeur en me renvoyant dans les cordes de mon anxiété obsessionnelle, et tout de suite après, je suis assaillie par le souvenir d’un épisode qui m’a mise hors de moi et de nouveau je cède à l’énervement, à la contrariété ; puis mon esprit décide que le moment pourrait être indiqué pour un instant d’apitoiement et, dans la foulée, un sentiment de solitude s’empare de moi. Nous sommes après tout ce que nous pensons. Nos émotions sont les esclaves de nos pensées, et nous, nous sommes les esclaves de nos émotions.
L’autre problème de ces va-et-vient à répétition dans les méandres de ses pensées est que l’on n’est jamais vraiment à l’endroit où l’on est. On passe son temps à excaver le passé, ou à scruter l’avenir, mais on se repose rarement dans le moment présent. »

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« Cessez d’être gentil, soyez vrai! » de Thomas d’Ansembourg

 

 

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« Trois mots donnent la fièvre. Trois mots vous clouent au lit: changer de vie. cela, c’est le but. Il est clair, simple. Le chemin qui mène au but, on ne le voit pas. La maladie c’est l’absence de chemin, l’incertitude des voies. On n’est pas devant une question, on est à l’interieur. On est soi même la question. Une vie neuve, c’est ce que l’on voudrait mais la volonté, faisant partie de la vie ancienne, n’a aucune force. On est comme ces enfants qui tendent une bille dans leur main gauche et ne lâchent prise qu’en étant assurés d’une monnaie d’échange dans leur main droite: on voudrait bien d’une vie nouvelle mais sans perdre la vie ancienne. Ne pas connaître l’instant du passage, l’heure de la main vide. »

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« L’allergie à l’empathie apparait beaucoup dans les rapports conjugaux et familiaux. Des être peuvent avoir accumulée une telle souffrance dans la relation avec un autre être qu’ils ne supportent plus un mot, même d’amour, de cette personne. Cette situation est extrêmement pénible pour les deux personnes. Celle qui maintient la relation fermée souffre de s’enfermer elle même, sans le savoir , dans sa détresse  Elle s’est prise dans un piège dont elle ne veut pas croire qu’elle détient la clé. Ses sentiment d’impuissance, de révolte et de solitude sont immenses. Celle qui maintient les portes ouvertes et tente de tendre des perches souffre terriblement du fait que sa bonne intention et ses efforts ne soient pas reconnus et accueillis. Souvent, par dépit, elle entre à son tour dans la révolte, et puis dans l’agression, ce qui vient confirmer à la première qu’elle avait raison de maintenir les ponts coupés. Et nous voilà partis pour le cercle vicieux et la spirale de la violence. Et cela peut durer des siècles… Voyez les haines tribales ou familiales qui traversent des générations!

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« J’ai vu ainsi des relations se rétablir parce que l’un maintenait constamment ouvertes les portes que l’autre s’obstinait à fermer. Au fond, que veut celui qui ferme les portes et s’enferme dans sa bouderie? Il veut souvent que l’autre comprenne à quel point il souffre, que l’autre prenne la mesure de sa détresse, et comme il n’a plus ni les mots, ni l’élan pour le dire, il « la ferme » et s’enferme.  Que peut celui qui veut ouvrir les portes en dépit de l’attitude de l’autre? Manifester expressément ou en silence sa compassion pour sa souffrance, lui indiquer par son attitude qu’il l’accueille sans jugement ni reproche.
L’empathie est une eau qui peut trouver son chemin à travers les roches les plus dures parce qu’elle est appelée par la partie du coeur qui a le plus besoin de se désaltérer. »

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« Ce que j’appelle « l’orgueuilleuse inconsolabilité », c’est l’arrêt à un palier de conscience: je reste là, drapé dans ma souffrance, convaincu qu’on ne me comprendra jamais, et j’attends malgré tout, plus ou moins consciemment, « qu’on » s’occupe de moi. Et sans doute est-ce juste pour la personne d’en rester là, sans doute est-ce le mieux qu’elle puisse faire à ce moment là, dans ces circonstances, sans doute n’y a t-il en elle plus d’energie pour demander de l’aide ou simplement regarder les choses autrement. Je n’ai pas de jugement à ce propos, je ressens seulement une grande tristesse à l’idée que l’être humain puisse se laisser empêtrer à ce point dans sa souffrance, qu’il s’empêche de tirer parti d’une situation pour grandir. Je crains également que la personne qui s’est raidie dans sa position et bloquée dans son état ne se remette en mouvement et en vie que sous l’effet du choc que provoquera un accident, une rupture, une maladie ou un deuil. »

 

Thomas-d-Ansembourg

L’art de la simplicité de Dominique Loreau

Parfois, pas souvent, certains livres vous sauvent la vie. Celui là, mes amis, celui là m’a sortie du trou noir à un moment de ma vie où plus rien n’avait de sens et où il était urgent de tout repenser. Alors autant vous dire que si j’étais chargé de créer un petit baluchon pour sauver les populations occidentales, ce petit livre souple et pas cher ferait non seulement partie de mon kit de survie, mais il en serait probablement également la pièce maitresse.

C’est un livre dont « on » a beaucoup parlé ici et là mais, étrangement, je saurais très mal le décrire ou le défendre par moi-même. J’oublie le propos aussitôt que je le lis, tant  à chaque fois il m’imprègne et se fraie un chemin directement au plus profond de mon subconscient sans passer par la case conscience. Pourtant je suis là, bien réveillée  planquée dans un coin sombre à me frotter les mains: j’ai posé des pièges partout, même sur le plafond, et j’attends que le propos passe pour enfin le mettre dans une petite boiboite. S’il était à moi, ce propos, je le regarderais pour me requinquer les jours de grande deprime ou bien je le sortirais genre « oiseau de paradis » devant les copains pour leur faire comprendre des choses essentielles. Sauf que je le rate à chaque fois. En fait je suppose, je ne le vois jamais vraiment passer… Vous l’aurez compris, c’est un livre que vous devez lire vous-même car je ne saurai jamais vous le condenser. A chaque lecture je focalise sur de nouveaux points que j’ai l’impression de n’avoir jamais lus auparavant  (malgré peut être plus de 5 lectures complètes et au moins le triple de lectures morcelées). Ca je le sais parce que je souligne ce qui me fait tilter à chaque fois, sur le moment, dans l’espoir de cerner la substantifique moelle de la chose. Et puis quand je reviens dessus, ça ne me fait plus d’effet, au bénéfice d’autres passages que je ne reconnais pas…

C’est un livre sur nous, sur la recherche de l’essentiel, de la profondeur, de l’importance au delà des perspectives de compétitivité, de la possession, des « on dit ». C’est un livre qui propose de ne plus savoir compter, mais d’être vigilant sur la quantité, de se plonger dans le passé en vivant pleinement son présent, de s’incarner dans des coutumes et d’économiser du temps et de l’energie en s’investissant totalement dans la quête du détachement et de la sincérité. De penser « moins » pour « plus ».

Voilà. Ca ne veut rien dire et je ris toute seule devant mon écran.

Vous voulez la 4ème de couverture? Non, vraiment, elle est trop nulle, je ne peux pas…

C’est un livre  divisé en 3 grandes parties: le rapport aux objets, au corps, au mental.
Orienté « femmes », il n’en n’est pas moins lisible par tous tant il aborde des sujets vastes et essentiels. Alors bien évidemment, les chapitres concernants les « secrets de beauté » ennuieront probablement les hommes… De même qu’on peut certainement reprocher à ce livre son côté « patchwork d’idées » (l’auteur explique qu’il s’agit là de la compilation de toutes les notes qu’elle a prises au cours de ces dernières années, pour se guider elle-même sur la voie de la simplicité et de l’épanouissement). 

Mais tout de suite un extrait pour vos donner un petit gout de paradis. Vous l’aurez deviné, pas mon préféré parce que j’ai déjà oublié lequel c’était, juste le dernier passage que j’ai lu en date:

« S’occuper de son corps c’est le libérer. Nombreuses sont celles qui dépensent du temps, de l’energie et de l’argent à embellir leur maison, à cuisiner pour leur famille et leurs amis, à s’occuper des autres ou à aller au théâtre alors qu’elles ignorent leur corps et se donnent des excuses en prétendant ne pas avoir le temps pour marcher, purifier leur peau ou planifier leur régime.

Elles ne se rendent pas compte que ce que l’intelligence donne à un visage, le maintenant harmonieux et noble, elles devraient parallèlement l’exiger du corps. Mais s’occuper de son corps et de son apparence, se masser et assouplir ses articulations reste peu pratiqué chez beaucoup d’occidentaux (en particulier d’un certain age) encore victimes de l’influence judéo-chrétienne selon laquelle le corps n’est que tabou et salissure. C’est d’ailleurs avec l’apparition des chrétiens que les thermes, les massages et les écoles de diététique de l’époque héllenistisue et romaine ont disparue de notre culture.

Que sont devenus le bon sens, l’élégance, le souci d’avoir un teint clair, un corps sain et une silhouette souple? Bêtise, complaisance, paresse… mais aussi manque d’honnêteté envers soi même et les autres. A-t-on le droit, au nom du plaisir et de la bonne chère, des loisirs et des cotisations à la sécurité sociale, de faire n’importe quoi de sa santé, de son équilibre et de son savoir vivre alors que des millions de gens dans le monde manquent de soins médicaux, d’hôpitaux et même de nourriture? Pourquoi accepter les kilos en trop, le cholestérol, la tension, le teint terne taché, les articulation encrassées, les visites chez le médecin comme des conséquences inévitables de l’age, mais refuser de modifier son mode de vie, ses habitudes et son alimentation?

Vivre dans un corps qui vous fait souffrir et rend tout vos mouvements pénibles, ce n’est pas vivre dans le repos et la liberté, ni dans la dignité et l’indépendance. C’est être esclave. Esclave de soi! Mais un esclavage que personne ne vous a imposé.

Les besoin du corps sont limités. Une fois qu’on a dépassée cette limite il n’y a plus de limite. Notre corps ne doit pas être négligé car de lui dépend notre vie, et de notre vie dépend celle des autres. Certes ne s’occuper que de lui (sport, nourriture, soins…) est signe d’une incapacité mentale, mais pour vivre décemment, il faut passer par lui. Il faut donc apprendre (ou plutôt réapprendre) à se modérer, s’assouplir, se nettoyer, se purifier, se discipliner.

Le corps ne doit pas encombrer l’âme. Il doit rester disponible pour l’activité intellectuelle et le domaine spirituel. »